Énergie, Environnement

Le bois, source d’énergie renouvelable et peu polluante à deux conditions

Article original publié le 23 février 2018 pour Ombelliscience sur la plateforme Échosciences Hauts-de-France.


Si l’éolien et le solaire sont souvent mis en avant quand on parle de renouvelables, le bois reste aujourd’hui de loin la première source d’énergie renouvelable en France. De fait, il a fourni l’essentiel de l’énergie à l’humanité depuis la domestication du feu, avant d’être supplanté par le charbon au XIXe siècle en Europe. Si les énergies fossiles ont pris le dessus, c’est notamment du fait de leur densité énergétique nettement supérieure : la combustion d’1 kg de pétrole équivaut à la combustion de 2 à 3 kg de bois. Toutefois, la raréfaction des ressources et le changement climatique incitent fortement à considérer le développement d’alternatives bas-carbone, comme le “bois énergie”.

La principale valorisation énergétique du bois est la production de chaleur par combustion, même s’il peut aussi être brûlé pour produire de l’électricité, ou bien transformé pour obtenir des biocarburants. Dans quelle mesure et à quelles conditions le bois énergie peut-il être développé au sein d’un bouquet énergétique bas-carbone ?

Énergie renouvelable… si on maîtrise l’exploitation

L’intérêt majeur du bois énergie réside dans son bilan carbone. Lors de la combustion ou de la dégradation naturelle du bois, le carbone émis provient du CO2 capté par le végétal durant sa croissance via la photosynthèse. Ainsi, le bilan carbone est neutre sur le cycle de vie du végétal, si l’on met de côté les émissions dues à l’abattage, le transport, etc.

Les forêts françaises couvrent 170 000 km² du territoire métropolitain.

Les forêts mondiales représentent un stock de carbone considérable. Ainsi, si on les exploite plus vite qu’elles ne croissent, on émet plus de CO2 qu’elles n’en absorbent, et le bilan carbone est défavorable. En outre, une surexploitation mène fatalement à la disparition des forêts (et de la biodiversité qu’elle abrite). En se rapportant à la définition d’une énergie renouvelable, on réalise que le bois énergie n’est renouvelable qu’à condition de maîtriser l’exploitation des forêts. À l’échelle du globe, la superficie forestière continue de chuter du fait de la déforestation en zone tropicale, malgré un net ralentissement de celle-ci depuis 2000. Par contre en France, la situation est positive : les forêts grandissent deux fois plus vite qu’on ne les exploite. Cela suggère un potentiel de développement important pour la filière bois énergie.

Taillis à courte rotation, à Villeneuve d’Ascq.
Par Lamiot, CC-BY-SA-3.0

Le bois peut venir non seulement des forêts, mais aussi des champs. En zone tempérée, il est par exemple possible de faire pousser des saules ou peupliers en taillis à courte rotation, ou très courte rotation. Le bois est récolté à intervalle régulier, entre 3 et 8 ans en fonction des taillis, etpeut être utilisé dans des chaudières aux côtés de plaquettes forestières. Toutefois, la culture de taillis à but uniquement énergétique n’est pas encore une réalité. Leur développement dans les Hauts-de-France fait partie des objectifs du projet « Réseau de sites démonstrateurs IAR », qui ambitionne d’optimiser la production et la mobilisation d’agro-ressources régionales pour des usages alimentaires et non-alimentaires.

Énergie peu polluante… si on maîtrise les émissions

Le bois énergie est généralement qualifié d’énergie « verte », mais comme souvent, la réalité est à nuancer. Car si le bois émet peu de CO2 sur son cycle de vie, sa combustion entraîne une pollution de l’air ambiant. Pour en savoir plus sur ce point, Ombelliscience a rencontré Hadi Dib, doctorant au sein de l’Unité de Chimie Environnementale et Interactions avec le Vivant (UCEIV) à l’Université du Littoral Côte d’Opale (ULCO), à Dunkerque.

La combustion du bois génère des particules fines, du monoxyde de carbone (de formule CO), des composés organiques volatiles (abréviation COV) et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Selon l’Ademe, la pollution au bois contribue significativement à ces émissions dans l’atmosphère, majoritairement du fait du chauffage domestique, caractérisé par un parc important d’appareils anciens et peu performants.

Ainsi, le bois énergie ne sera une énergie peu polluante qu’à condition de maîtriser ces émissions, qui dépendent de nombreux paramètres. Il est par exemple conseillé d’éviter les foyers ouverts, et d’utiliser du bois propre et sec. Pour aller plus loin, il existe des systèmes de « dépollution » des fumées intégrés aux appareils de chauffage. Les particules fines peuvent être séparées grâce à des électrofiltres, où un champ électrique les attire vers un collecteur. Quant aux gaz, il est possible de les transformer par voie chimique, ce qui constitue la thématique de recherche d’Hadi Dib.

La réaction à effectuer est une oxydation des gaz, en les faisant traverser un catalyseur. Sous forme de poudre d’oxyde métallique, celui-ci a pour but de rendre l’oxydation possible à des températures assez basses, voisines de celles des conduits d’évacuation des fumées. Plutôt que d’utiliser des métaux nobles, efficaces mais rares, les chercheurs s’intéressent aux métaux de transition, comme le fer, le cobalt, l’aluminium… En combinant les métaux, on produit des oxydes mixtes, plus stables.

Montage utilisé par les chercheurs. À gauche, les appareils pour envoyer puis analyser les flux de gaz, à droite, le four au sein duquel les gaz rencontrent le catalyseur. Crédit : Hadi Dib

Le but est de trouver un catalyseur qui puisse fonctionner à température la plus basse possible, et ce pour les trois types de polluants gazeux à la fois. Hadi Dib a testé le traitement du CO et du toluène (molécule modèle pour les COV), d’abord isolément puis en mélange. Travailler avec les HAP s’avère plus difficile, car il s’agit de produits initialement solides. L’équipe prévoit actuellement d’adapter ses installations pour pouvoir contrôler un flux de HAP gazeux.

Des enjeux importants pour la filière bois énergie

Le fort potentiel de la filière bois énergie ne pourra être développé qu’en respectant une contrainte double.

Pour être renouvelable, la ressource bois doit être exploitée dans le cadre d’une gestion durable des forêts. En se limitant au périmètre français, un développement substantiel du bois énergie est possible. Toutefois, des obstacles demeurent, comme en attestent les difficultés rencontrées par les projets de centrales électriques à biomasse. L’intégration locale de filières bois devrait permettre de mobiliser des ressources d’origine diverse, incluant l’exploitation durable des forêts, mais aussi les coupes non utilisées provenant de la construction, la menuiserie, ou encore les produits et déchets de l’agriculture.

Pour être peu polluante, la combustion du bois doit se faire dans de bonnes conditions pour limiter les émissions de toxiques. Il reste beaucoup d’efforts à faire du côté du parc d’appareils de chauffage domestique, qui se renouvelle trop lentement. C’est l’objectif de l’Ademe avec le Fonds Air, ou encore la création du label « Flamme Verte »,  visant à classer les appareils selon leurs performances énergétiques et environnementales. La recherche pourra aussi permettre d’améliorer ces performances, y compris grâce aux systèmes de dépollution catalytique.

La place du bois énergie dans un mix énergétique bas carbone dépendra également de la compétitivité de la filière, elle-même tributaire des prix de l’énergie et des régimes de taxation et d’aide favorisant les énergies « vertes ». Notons que son développement s’accompagnera nécessairement de la création d’emplois locaux.

1 Comment

  1. Brindle Françoise

    A-t-on jamais calculé la quantité optimale de bois utilisable par personne par an? En France et au niveau planétaire?

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