Environnement, Esprit critique

Pêche électrique : Bloom répond à notre critique sans se remettre en question

Le mois dernier, j’écrivais dans un article sur Medium que la couverture médiatique française autour de la pêche électrique avait été sérieusement défaillante. J’ai cherché à montrer en quoi le discours catastrophiste véhiculé ne se fondait pas sur des éléments solides, et la manière avec laquelle la science avait été instrumentalisée au sein de la campagne, très proéminente, de Bloom. Après avoir pris connaissance de mon article, Bloom a décidé de répondre. Je remercie les auteurs pour l’effort fourni ainsi que le souci de traiter spécifiquement les points soulevés.

Puisque ma motivation a été questionnée, il me faut d’abord prendre le temps de l’expliciter à nouveau, même si elle me semble claire dans l’article comme ailleurs.

Quand on parle d’environnement, on a intérêt à prendre nos décisions à la lumière des meilleures connaissances scientifiques disponibles, ceci afin d’éviter de prendre des mesures contre-productives. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faille protéger les habitats et la biodiversité des fonds marins, l’idéal pour cela étant de diminuer drastiquement la pression de pêche. Mais la réalité, c’est que tant que les Européens continueront de manger autant de poisson (et que l’aquaculture nécessite des farines de poisson), l’exploitation massive des ressources halieutiques se poursuivra. Il est donc nécessaire d’évaluer les impacts des différentes techniques de pêche, au regard de leur potentiel de production. Voilà pourquoi il est important de faire de la recherche, et de présenter aux citoyens de façon honnête les résultats de cette recherche, ainsi que ses limites, tout en contextualisant correctement le propos (et ce même si l’objectif principal est d’influencer l’opinion plutôt que d’informer). Des ONG comme WWF avaient par exemple fait un très bon travail de synthèse dès 2014 sur l’utilisation de chaluts électriques pour la pêche à la crevette grise.

Or, ce n’est clairement pas la démarche choisie par Bloom. Force est de constater que leur argumentaire repose en partie sur des raccourcis simplistes et une manipulation des données scientifiques, pratiques relativement courantes dans les campagnes militantes de ce type. En effet, déformer la réalité pour justifier une démarche fait partie de la boîte à outils du militant. Dans ma critique, je ne me suis pas positionné pour ou contre la pêche électrique, mais je me suis plutôt attaché à pointer les éléments qui ne tiennent pas la route dans l’argumentaire de Bloom. Notons que cela ne légitime pas pour autant la position opposée (en faveur d’un développement massif de la pêche électrique).

L’objectif de l’article initial est tout à fait atteint, et les justifications apportées par Bloom échouent à remettre en cause le propos central. Par ailleurs, l’examen critique de leur réponse révèle la faible portée argumentative des contre-critiques qu’elle contient, mais aussi certains points de convergence ayant conduit à des modifications mineures de l’article original. Pour sa part, Bloom n’a jusqu’à présent pas modifié son argumentaire, bien qu’il contienne des informations manifestement fausses ou infondées. C’est notamment le cas d’une part à propos de l’impact des impulsions électriques sur les cabillauds (fractures) et les vers et les crevettes (affaiblissement du système immunitaire), et d’autre part à propos du rôle de la pêche électrique en elle-même dans les difficultés rencontrées par les pêcheurs français.

Pour les plus motivés, ci-dessous se trouvent quelques points sur lesquels il m’a semblé pertinent de réagir, en reprenant des citations de la réponse de Bloom. Considérant que mon argumentaire est largement assez clair avec l’article original et les précisions qui suivent, je ne pense pas utile de poursuivre par la suite.


Cliquer ici pour la réponse détaillée.

 

1 Comment

  1. PROUZET

    Les travaux portant sur la physiologie des poissons soumis à l’impact d’un champ électrique ont été très bien documentés par des scientifiques de renom dont Lamarque, Vibert, Fontaine, Gosset et il est dommage que Bloom ne les ai pas cités dans son plaidoyer contre la pêche électrique, la plupart de ces chercheurs ont travaillé à l’INRA. Beaucoup de scientifiques qui ont investigué les eaux douces et saumâtres, ont utilisé la pêche électrique comme moyen d’échantillonnage non létal et ce, sur des stades jeunes (salmonidés migrateurs notamment, poissons plats dans les estuaires). Il est vrai que l’on pouvait observer des ruptures de colonne vertébrale sur certains sujets en période de reproduction du fait d’un métabolisme du calcium fortement modifié, mais ceci était généralement constaté quand le poisson touchait l’électrode. La galvanotaxie est un phénomène relativement bien étudié en eau marine (par l’ISTPM, « ancêtre » de l’Ifremer) et en eau douce (par l’INRA). Des expériences de marquage faites sur des juvéniles ont montré le peu d’impact sur leur survie (ces éléments ont été publiés).
    Nous pouvons tous converger sur l’évidente nécessité de mener plus d’investigations sur cette pratique de la pêche électrique avant de la développer. Mais le fait de donner une vision catastrophique de cette pratique sans que cela soit étayé est tout à fait contre-productif et ne renseigne que très peu le citoyen désirant en savoir un peu plus pour se forger une opinion en toute connaissance de cause.
    Il est vrai également que cette technique de pêche est probablement plus efficace au plan économique et pourrait engendrer à terme une concurrence très défavorable pour les armements de type classique utilisant des arts trainants. C’est à mon avis ce problème qu’il aurait fallu plus développer et qui a pu engendrer un sentiment d’inquiétude pour la pêche française. On peut, sur ce point, citer à titre de comparaison le combat entre les bolincheurs espagnols (senneurs) et les chalutiers pélagiques français pour l’exploitation de l’anchois dans le golfe de Gascogne. Ce conflit a été, en grande partie, résolu par des accords de pêche portant sur des périodes et des zones de pêche particulières pour les deux flottilles, évitant ainsi des conséquences économiques et sociales néfastes pour les deux flottilles dans un cadre de réglementation des prises par quota. Il est dommage que cette possibilité ait été occultée par une analyse de Bloom qui me semble, je vous l’accorde, un peu trop rapide et pas suffisamment étayée.

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