Esprit critique

Infanticide, cannibalisme, viol… la nature est le théâtre d’une cruauté permanente

Une otarie prise en flagrant délit de viol inter-espèces

En parallèle de l’image négative que l’on se fait souvent de l’être humain, qui dégrade la biodiversité, on a tendance à idéaliser le reste de la nature. Il faut dire qu’avec les multiples vidéos d’animaux attendrissants qui circulent, il est facile de perdre de vue l’immense cruauté du règne animal.

Prédation, infanticide, cannibalisme et viol

Les documentaires animaliers nous ont habitués aux scènes où une proie se fait attraper par un prédateur. En dépit de notre compassion pour la proie, on peut prendre du recul et voir cela comme un mal nécessaire à la survie du prédateur. En fonction de la façon dont les choses sont tournées, on peut même se mettre à sa place et souhaiter son succès, comme pour cet ours blanc désespéré. Il est toutefois toujours plus choquant de voir des petits dévorés, comme lorsque ces pélicans avalent des oisillons, ou quand ce pivert fracasse le crâne d’un bébé tourterelle vivant pour manger son cerveau. Plus spectaculaire encore, cette fameuse scène quasiment hollywoodienne montre l’enfer que vivent les petits iguanes venant au monde dans un environnement infesté de serpents aux Galápagos.

La prédation est une nécessité, mais qu’en est-il de l’infanticide ? Parmi les mammifères, il est courant pour les mâles de tuer les petits qui ne sont pas les leurs. Parfois, l’objectif semble être de rendre les femelles sexuellement disponibles, comme pour ces deux dauphins s’attaquant à un petit défendu par sa mère. Chez les espèces vivant dans des groupes structurés autour de mâles dominants, ceux-ci s’attaquent aux petits des autres, probablement dans le but de favoriser leur propre descendance (voir ces vidéos perturbantes chez le zèbre de montagne et le lion). Des cas de cannibalisme envers des bébés ont aussi été rapportés, y compris chez le chimpanzé par Jane Goodall.

Les violences sexuelles ne sont pas non plus propres à l’être humain : la copulation forcée est documentée à travers le règne animal (exemple vidéo avec ces canards). Dans de nombreux cas, l’acte sexuel n’est pas vraiment une partie de plaisir pour la femelle : intimidation, harcèlement et violence sont monnaies courantes. Le plus insolite reste toutefois le viol entre deux espèces différentes. Lors d’observations, des chercheurs ont par exemple pu voir des otaries de Kerguelen en train d’harceler sexuellement des manchots. Dans l’un des cas, le manchot s’est ensuite fait tuer puis manger.

Cousin de l’otarie, le phoque commun est lui-même victime d’abus sexuels. Sur les côtes de Californie, on a remarqué que des loutres violaient des bébés phoques, vivants ou morts. Les comportements nécrophiles sont en effet également attestés pour plusieurs espèces.

Produits de l’évolution des espèces

Tous ces comportements sont des produits directs ou indirects de l’évolution par sélection naturelle, un processus dans lequel le seul critère qui compte est le succès reproductif. L’évolution repose donc sur un mécanisme dénué de dimension morale, au même titre que le mouvement des planètes. Il s’agit d’une compétition où tous les coups sont permis pour répandre ses gènes, comme l’atteste l’existence même des parasites. Si un comportement instinctif favorise le succès reproductif, il va par définition se propager, quand bien même les humains le trouveraient atroce. Bien sûr, des comportements qui nous paraissent positifs existent aussi, comme l’attachement que ressentent les parents envers leur progéniture. Là encore il s’agit d’un produit de la sélection naturelle : certains individus génétiquement disposés à prendre davantage soin de leurs petits ont ainsi favorisé leur descendance et, par la même occasion, ont mieux transmis leurs gènes que les autres. L’altruisme ne se limite pas forcément à la progéniture, notamment chez les espèces sociales : il peut s’étendre à des groupes plus grands, jusqu’à concerner occasionnellement des individus d’autres espèces. Au passage, notons que l’apparition du sens moral au cours de l’évolution est un sujet de recherche scientifique à part entière.

Prédation, violence, faim, accidents, maladie… voilà autant d’éléments rendant la vie extrêmement difficile à d’innombrables animaux sur Terre. Dans la nature, ceux-ci n’ont pas accès à la police, à la justice ou encore à la sécurité sociale. Un animal faible ou handicapé aura toutes les chances de rester isolé et de mourir jeune. Cela nous rappelle que ce n’est pas parce qu’une situation est naturelle qu’on doit la considérer comme désirable. Autrement, on commet un appel à la nature, qui ne constitue pas un raisonnement valide.

Malheureusement, il n’y a pas grand chose à faire face à cette réalité tragique : la souffrance va de paire avec l’existence même de créatures sensibles. À l’extrême, ne pourrait-on pas dire que le plus simple pour faire disparaître cette souffrance serait de tout tuer ?

13 Comments

  1. Charles Couturier

    Citer Jane Goodhall pour défendre la théorie du vernis, disons qu’heureusement que la barrière de la langue empêchera et Jane, et toute la communauté des éthologistes de lire cet article.

    La théorie du vernis, est un concept dépassé.

  2. Nous avons l’éthique, grace à la parole, et donc la loi qui protège les faibles.
    Eux n’ont que la raison du plus fort, à nous de mettre fin à cette dernière chez nous.

  3. Anonyme

    Nous ne sommes pas l’espèce supérieure, nous sommes l’espèce dominante. En tout cas pour le moment. Et, malgré ce qu’en pensent certains, nous ne sommes pas de nature divine, mais des animaux comme les autres. La cruauté qui peut apparaitre comme humaine, n’importe quelle autre espèce dominante, l’aurait aussi… Il faut prendre du recul et rester humbles, nous ne sommes ni meilleurs ni pires que notre futur remplaçant dans la chaine alimentaire. La terre, la nature en a vu d’autre et en verra d’autre. Autant ne pas s’auto-stigmatiser et tâcher de vivre heureux malgré tout.

  4. patricia azoulay

    ok pour la cruauté relative de certaines espèces, avec pour seule ligne de mire un avantage reproductif.. mais qu’en est-il des animaux qui « jouent » avec d’autres avant de les manger? je pense aux orques avec les phoques, au chat avec la souris etc.. merci

    • Comment by post author

      Théo

      Effectivement, ce qui semble être de la « cruauté gratuite » existe également chez les autres animaux. L’amusement fait aussi partie de leur quotidien, ce qui peut hélas prendre la forme de ce qu’on pourra qualifier de sadisme…

  5. Johanna

    Non mais attendez on ne peut pas justement partir dans l’autre extrême. Je suis choquée par cet article. Le monde animal n’est pas le monde des humains. L’être humain a justement une suprématie sur l’animal. C’est le sens de la moral, du discernement du bien et du mal. Et c’est justement dans ce sens que nous avons le devoir de bien les traiter et de les respecter. Mais on ne peut pas juger de leur comportement entre eux comme on jugerai celui d’un être humain. Ne pas comparer ce qui est incomparable. Puis ce genre d articles ne va pas aider à améliorer leur condition de vie si on les pointe du doigt comme ça. D’autant que beaucoup des comportements deviants des animaux sont liés aux traitements qu’on leur inflige depuis des années ou tous les dérèglements que l’être humain cause à la planète depuis ce dernier siècle. Alors on ferai mieux de s’occuper de ce qu’on fait de mal nous-mêmes avant!!! N’êtes vous pas d’accord ? C’est nous qui sommes sensés être doués de raison et de libre arbitre !

    • Spérie

      Je pense que vous êtes passé à coté du sens de l’article qui est justement d’expliquer que la morale ne viens pas de la nature. Tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon, de ce fait, nous humains ne devrions pas forcément nous inspirer des comportements « naturels » pour décider de ce qui est moral ou non.

    • Comment by post author

      Théo

      Merci de votre commentaire. J’ai plusieurs désaccords avec votre propos.
      Premièrement je pense qu’il est simpliste de dire que l’humain est le seul à pouvoir différencier le « bien » du « mal ». Les guillemets sont là car pour moi ces notions sont simplement des ressentis subjectifs, diffèrent d’une personne à l’autre. Je ne crois pas en l’existence d’une morale absolue. Mais surtout, il me semble que restreindre cette capacité à l’être humain est un reliquat de l’influence des mythes judéo-chrétiens. Si vous avez déjà eu des des chiens, vous saurez que eux aussi ont une capacité à savoir s’ils ont fait une bêtise. Les ingrédients du sens moral sont hérités de notre histoire évolutive en tant que mammifères sociaux, et sont partagés dans une certaine mesure par d’autres animaux que l’homme. Pour aller plus d’infos, voir par exemple cette vidéo. Pareil concernant la notion de libre-arbitre, c’est une question philosophique très complexe, de sorte que je ne suis pas en mesure d’accepter votre vision disant que l’humain le possède et pas l’animal. Je ne suis même pas en mesure de dire ce que c’est et si l’homme le possède.
      Ensuite, cet article n’est pas là pour juger les animaux, il ne fait que rappeler qu’on idéalise souvent leur comportement.
      Enfin, les comportements documentés dans cet article n’ont pas de rapport avec l’être humain. Certes, nous dégradons les écosystèmes et changeons le climat, mais l’infanticide chez l’animal n’est pas de notre fait. Vous n’avez pas de preuve vous permettant d’accuser l’humanité de tous les maux.

    • Le sujet, c’est l’éthologie et non la religion ! Vous devriez varier vos lectures et vous intéresser à l’étude du comportement animal. C’est parfois incroyablement cruel et totalement indépendant de l’influence des humains. C’est bien jolie d’exprimer ses croyances, mais cela ne vaudra jamais l’étude de la réalité objective. Et si vous vous y contraignez, je peux vous assurer que vous aurez des surprises qui dépasseront votre imagination.

    • Charles Couturier

      En fait, elle a très bien compris le sens de l’article, qui se présente comme une très faiblarde défense –sans références scientifiques aucune– d’une théorie connue sous le nom de Veneer Theory, ou théorie du vernis.

      On parle d’une dérive des travaux du philosophe Thomas Hobbes (surtout), plus tard défendu par Thomas Henry Huxley, mise à mort par Jonathan Haidt, et achevée par Frans de Waal.

      L’argument de cette dame est béton: dans le règne animale, la somme des comportements prosociaux excède de beaucoup, les comportements qui nous apparaissent immoraux.

  6. christian

    Et oui c est la dure réalité mais le fait d’écrire et réfléchir sur nos différences sont déjà en soit des différences par rapport aux animaux

  7. Mjanvier

    Bonjour, je me permet de partager le lien de la conférence de Thomas Lepeltier :

    « Faut-il sauver la gazelle du lion ? » https://www.youtube.com/watch?v=hMU0_cXB_gs

    Celle ci est vraiment très intéressante, ouvre le débat et explore l’idée d’une possible intervention dans la nature afin de réduire la souffrance des animaux sauvages, je pense qu’elle pourrait vous intéresser si vous ne l’avez pas déjà vue. Cordialement

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