Encore un article sur le changement climatique ? Est-ce vraiment la peine ? Tout le monde n’est-il pas déjà au courant ? Effectivement, cette thématique est souvent abordée dans les médias, et pour cause : il s’agit probablement d’un des défis les plus importants de ce siècle de par sa portée planétaire et l’importance des enjeux. Malheureusement, on ne se rend pas forcément compte à quel point ce problème est sérieux, et que pour le moment il n’est pas certain que l’on soit bien partis pour le résoudre. Dans un premier temps, nous verrons que le problème est en effet de taille.
La science est claire : l’humanité change le climat
Aux lecteurs pour lesquels il n’est pas nécessaire de rappeler cet état de fait, vous pouvez passer à la partie suivante. Sinon, nous nous contenterons de rapporter le consensus scientifique de manière très succincte, pour plus de détails sur les différents arguments, vous pouvez consulter ce site. Commençons donc par l’observation : il est établi au-delà de tout doute raisonnable que le climat a subi un changement très rapide à l’échelle géologique depuis 150 ans. La température moyenne de la Terre, indicateur emblématique du changement climatique, a déjà augmenté d’environ 1 degré par rapport à la valeur pré-industrielle. De plus, la majeure partie du réchauffement a concerné les océans et non pas l’atmosphère.
Un changement existe, donc. La deuxième étape consiste à se demander si l’humanité a une responsabilité dans ce changement. Car il est vrai que le climat a très fortement varié du fait de causes naturelles depuis la formation de la Terre il y a 4,5 milliards d’années. Cependant, l’augmentation récente et extrêmement rapide de la température est corrélée temporellement aux émissions soudaines de gaz à effet de serre provenant des activités humaines. Certes, corrélation ne vaut pas causalité, mais pour les chercheurs étudiant la question, il n’y a pas vraiment de doute sur le lien entre les deux. De multiples enquêtes d’opinion indépendantes ont montré que la majorité écrasante des spécialistes pense que nos émissions de gaz à effet de serre sont la principale cause du changement climatique actuel. On pourra disputer ces chiffres sur des détails, mais force est de constater que ces résultats tendent à nous permettre de parler de véritable consensus scientifique.
Et ce n’est pas tout : de nombreuses institutions se sont prononcées dans le même sens. Ainsi, en plus du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui fournit une synthèse de la littérature scientifique pour le compte de l’ONU, on peut dénombrer près de 200 organisations scientifiques se positionnant en faveur de l’hypothèse du changement climatique anthropocène. Cette liste inclut les Académies des Sciences de 34 pays, ainsi que de prestigieuses sociétés savantes et institutions nationales et internationales, comme la NASA. Si malgré tout, comme dans toute science, les conclusions ne sont pas absolues et définitives, les estimations permettent au GIEC de déclarer : « la science montre à présent avec 95 % de certitude que depuis le milieu du XXe siècle, l’activité humaine est la cause principale du réchauffement observé ». Au bout d’un moment, il convient de traiter cette hypothèse en tant que fait scientifique, à prendre comme point de départ dans le débat public pour… pour faire quoi au juste ?
« Le climat change, et alors ? »
Ayant accepté que le climat change et que les humains sont les principaux responsables de ce changement, on peut toujours se demander en quoi tout cela est gênant. On parle souvent de l’augmentation de température en 2100, et de la nécessité de la limiter à 2 degrés. Mais en quoi est-ce un problème, 2 degrés de plus en 2100 ? Vous et moi ne serons probablement pas là pour le voir, et puis finalement au cours de l’année la température chez moi change bien plus sans que cela pose problème ! Cette réflexion, bien que compréhensible, est simpliste et ne tient pas compte des points suivants :
- une augmentation de température moyenne de quelques degrés représente un changement planétaire considérable
- les changements majeurs à venir sont nombreux et ne se restreignent pas à une augmentation de température
- les conséquences du changement climatique n’attendent pas 2100 pour se manifester mais sont déjà réelles
En effet, si la température à Paris varie beaucoup au cours de l’année ou même au cours d’une journée, ce n’est pas le cas de la température moyenne mondiale qui se caractérise par une remarquable stabilité depuis des millénaires. La stabilité d’un climat propice au foisonnement de plantes comestibles et de gibier a probablement permis l’établissement de sociétés humaines sédentaires au Moyen-Orient après la dernière période glaciaire. Pour donner un ordre d’idée, seulement 5 degrés nous séparent de la température moyenne de cette glaciation. Il y a 21 000 ans, le niveau de la mer s’est trouvé beaucoup plus bas, de sorte que si les États d’aujourd’hui avaient existé à l’époque, il aurait été possible d’aller en Angleterre à partir de la France à pied. En prime, une épaisse couche de glace recouvrait une bonne partie du nord de l’Europe. Un réchauffement progressif de quelques degrés sur plusieurs milliers d’années a par la suite conduit à une hausse du niveau de la mer d’une centaine de mètres pour atteindre le niveau actuel. Il y a donc des raisons de penser qu’une hausse de 2 degrés sur une période de deux siècles seulement aura des conséquences tout à fait considérables.
Par ailleurs, la température de l’atmosphère et des océans n’est pas le seul indicateur physique à subir des perturbations, et il est restrictif de seulement parler de « réchauffement climatique ». L’élévation du niveau des océans a déjà été évoquée plus haut, elle est notamment causée par la dilatation thermique de l’eau ainsi bien sûr que par la fonte des masses de glace, qu’elles proviennent des calottes polaires ou des glaciers. Il faut également mentionner que des cyclones plus intenses sont à prévoir en zone tropicale. L’effet attendu sur les épisodes de très fortes précipitations n’est pas simple, mais il n’est pas impossible qu’ils soient de plus en plus sévères. Et c’est bien les changements de précipitations qui sont susceptibles de nous poser le plus de problèmes, notamment de par leurs conséquences sur l’agriculture. En particulier tous les modèles prévoient un assèchement du bassin méditerranéen. Encore une fois, il n’y a pas à attendre 2100 pour s’en rendre compte, les observations parlent déjà d’elles-mêmes. On peut s’inquiéter des répercussions déstabilisatrices à prévoir dans une région déjà sujette à des tensions politiques diverses.
S’il est impossible de dire que le changement climatique est la cause d’un événement météorologique donné, on peut essayer d’estimer le rôle qu’il a pu jouer dans l’existence et la sévérité d’un événement extrême. C’est le cas pour les graves sécheresses qui ont touché la Californie et d’autres régions du monde ces dernières années. Par exemple, l’ampleur d’une canicule comme celle ayant causé la mort de 15 000 personnes en août 2003 en France aurait été moins probable sans changement climatique. La Russie a aussi été sévèrement affectée en 2010, ce qui a eu des conséquences dramatiques sur sa production agricole et a fortement augmenté le cours des denrées céréalières. C’est au tour de la Chine en 2011 de subir le même sort. Il apparaît très probable que les répercussions sur le prix des produits céréaliers aient joué un rôle notable dans les désordres politiques regroupés sous l’expression « Printemps Arabe » à partir de la fin 2010. En effet, l’Égypte est le plus gros importateur de blé au monde, et la Tunisie a recours à l’importation pour plus de la moitié de son approvisionnement en céréales. La hausse des prix a fortement menacé la sécurité alimentaires de ces importateurs historiques. Ainsi, beaucoup considèrent que le changement climatique a clairement joué un rôle dans le déclenchement des crises politiques et sociales ayant touché entre autres ces deux pays. Il semble donc que les conséquences du changement climatique soient déjà là, et concernent tout le globe y compris l’Europe : l’Union Européenne avertit sur les risques accrus d’inondations et de sécheresse (et donc une diminution globale des rendements agricoles), mais aussi de feux de forêt, et d’érosion du littoral. Il est par ailleurs certain que les choses n’iront qu’en s’aggravant au cours du XXIe siècle : nos émissions de gaz à effet de serre ne s’arrêteront pas demain matin, et un certain nombre de boucles de rétroactions positives (comme la diminution de l’albédo due à la fonte des glaces) accentueront le changement climatique.
Dans ces conditions, il est tentant de se dire qu’il nous faut « sauver la planète ». Néanmoins cette expression, qui a le mérite de faire appel aux sentiments et à la bonne volonté des citoyens, n’est probablement pas appropriée. En effet, il est clair que la vie sur Terre (sans parler de la Terre elle-même…) se remettra des changements catastrophiques causés par l’humanité. Au cours de l’histoire géologique, la planète a déjà subi de grands bouleversements ayant causé des extinctions massives. Par exemple, au cours de l’extinction Permien-Trias survenue il y a environ 250 millions d’années, 95% des espèces marines et 70% des vertébrés terrestres ont disparu, et la biodiversité s’est reconstruite au cours des millions d’années qui ont suivi. Ce qui est réellement en jeu aujourd’hui, par contre, c’est plutôt la stabilité voire la viabilité des sociétés humaines telles que nous les connaissons. De nombreux commentateurs et académiques, y compris le Département de la Défense américain, soutiennent que les effets du changement climatique sont de nature à causer des déstabilisations politiques, des conflits et des déplacements de populations, ainsi que des crises économiques, humanitaires et sanitaires majeures.
Lorsqu’on saisit la pleine mesure de la problématique climatique, on peut légitimement penser qu’elle devrait constituer une préoccupation hautement prioritaire au niveau politique. Il y a donc lieu de se demander si l’humanité semble prête à prendre les mesures qui s’imposent pour limiter les dégâts d’un changement climatique de grande ampleur.
camarje
Ah les scientifiques. Viencent COURTILLOT membre de l’academie des sciences, légion d’honneur, ne crois pas au réchauffement climatique et a son origine anthropique.
C’est un scientifiques physicien Français!… Il a raison, le démontre.
Vous en pensez quoi Théo?
Aurélien
Bonjour,
On oublie souvent également que 2100 c’est la limite que l’on pose aux simulations du climat.
Cela ne veut pas dire qu’en 2100 le climat va gentiment se stabiliser, au contraire, il est plus probable que ce ne soit que le début, avec un effet retard d’environ 50 ans entre l’émission des gaz et le réchauffement et des rétroaction climatiques et écologique longue difficile à anticiper.